Pour savoir qui tu es, il faut savoir d’où tu viens.

Je suis dans une léthargie. Il y a 3 matchs de jouer dans ma deuxième saison ‘Pee-wee’ et je n’ai toujours pas de but. C’est d’la marde. C’est ma fin du monde. Mais, je crois enfin avoir trouvé la cause. Mon bon vieux hockey Sherwood PMP 5030. Sans exagérer, la palette au niveau du talon est rendue genre 2 pouces de large. C’est tout effiloché et dans mon livre à moé, y’é fini !

C’est pas difficile à comprendre. Il a déjà ma première saison complète de Pee-wee dans l’corps, un tournoi de catégorie ‘Pee-wee C Spécial’ et une couple de parties de hockey de rue pendant que les pros étaient dans les ‘détails’ au dernier printemps.

Après mon troisième match, j’arrive donc le soir à’maison avec la ferme intention de trouver une solution à mon problème. Faque, je montre l’état pitoyable de mon PMP 5030 à mon père, tout en lui faisant part de mes performances pathétiques. Puis là, je visualise sa main droite s’insérer dans la poche droite de son jeans, rejoindre le porte-monnaie, l’ouvrir, flipper les billets et me tendre un 20$. Mais la main droite a plutôt aggripé mon bon vieux Sherwood pis j’entends « Viens, on va aller à’cave ».

Vraiment-Pas-Bon-Signe.

Y’a rdjien à’cave.

Sauf l’établi.

On descend. Le premier a un pas beaucoup plus décidé et affirmé que le deuxième. Ouvre la lumière d’la cave. On se rend à l’établi. Ouvre la p’tite lumière blanche au dessus-de d’l’établi. Moé, je suis su’l’boutte des pieds pis j’watch ça. Mon père vire mon hockey à l’envers, la palette su’l’dessus. Là, il attrape le pot de colle blanche Lepage. Y’enlève le bouchon rouge et il ‘varse’ plein de colle blanche un peu partout à l’intérieur de la palette endommagée. Un coup terminé, y’insère la palette à l’intérieur des deux mâchoires de l’étau et y fixe la palette de mon Sherwood. La colle blanche sort de partout, puis là, il passe avec une guenille pour enlever les résidus de colle blanche qui étaient de mon côté et qui ne voulaient rien savoir de cette tâche ingrate. Puis là, j’entends : « Y va être comme neuf demain soir ».

Comme neuf. Neuf. Comme neuf. Savez-vous la différence entre comme neuf pis neuf ? Comme. Anyway. Cé ça.

Lendemain soir, même rituel, sauf que là on dégage le PMP 5030 de l’étau pis mon père finit la job avec du bon vieux tape noir d’électricien. Magnifique.

Là, je suis peut-être mélangé dans la suite des événements, mais je suis pas mal certain que ça s’est déroulé ainsi pis dans le même espace temps. « Viens’t’en mon gars, on va aller à la patinoire, j’ai quelque chose à te montrer ». Le lancer du revers. Oui. Le lancer du revers. Quoi de mieux pour économiser une palette finie en fin de vie utile ? Cé ça, le lancer du revers.

Faut dire aussi qu’il avait probablement retenu cela lors d’une envolée lyrique de M. Lecavalier lors de la description d’un match de hockey du samedi soir.

Mon cher Gilles, le revers …  pratiqué de moins en moins… très efficace… le gardien a de la difficulté à prédire la direction que la rondelle … effet surprise.

Les trois petits points, bien, c’est parce que mon père était en train de s’endormir pis y perdait des bouttes de description. En effet, c’était rare qu’il soit éveillé lorsque la sirène signalait la fin de la troisième. La sirène le réveillait et puis là on lui demandait le score final pis on savait qu’il le devinerait pas pantoute. Pis on riait. Mais, ce soir là, il se rappelait que M. Lecavalier avait mentionné : Revers et très efficace.

On est donc su’à’patinoire extérieure pour m’apprendre les vertus du lancer du revers. On se met de dos à genre 5-6 pieds de la bande et on pratique le revers pendant un bon 30 minutes.

Là, faut que je vous dise que ma palette, ben, était drette. Mon père disait qu’elle était légèrement courbée. La courbe, ben moé, j’la voyais pas. Déjà lors de l’achat, il avait pensé au revers en m’achetant un hockey avec une palette drette. Un revers est plus facile à effectuer avec une palette drette que fortement courbée. Une évidence. Y’attendait juste le bon moment pour me l’enseigner.

Mais, je pesais-tu 50 livres tout mouillé. 55 ? Je ne le sais plus. J’étais vraiment petit gabarit. Pis l’été précédent, quand j’étais en costume de bain pis en bedaine, ben on me voyait les côtes. Anyway.

Une palette courbée, me semble, que ça m’aurait aidé à faire lever la rondelle lors d’un lancer frappé ou d’un lancer du poignet avec le peu de puissance que je pouvais lui donner avec mon poids plume. Mais, à défaut d’avoir un plomb, mon père voyait en moi un joueur plus complet avec un atout secret. Mon lancer du revers.

Anyway, je ne me souviens plus comment, mais j’ai mis finalement réussi à mettre fin à ma léthargie. J’imagine que j’avais arrêté ma fixation su’ma palette qui revenait toujours aussi large après une couple de pratiques pis de parties. Par contre, je me souviens que les séances d’étau pis de colle blanche dans’cave étaient de plus en plus rapprochées. Jusqu’à ce que ‘par hasard’ mon hockey se brise de manière définitive. Un nouveau Sherwood PMP 5030 allait finalement entrer dans ma vie. Celui-là avait une courbe. Qu’on pouvait voir à l’oeil.

Pis oussé t’é rendu maintenant ?

Je ne joue plus au hockey depuis plusieurs années. Par contre, j’ai joué longtemps. Vite de même, je dirais que moins de 2 % de tous les buts de ma carrière l’ont été du revers. Je n’ai pas d’établi. Jamais eu d’étau. Pis la vue d’un pot de colle blanche me lève le coeur.

StefB KidKodaK